Béton armé

Des cris sur le trottoir.
Le rouge succède au noir.
Ça tue sur le béton,
Se bat sur tous les fronts.
Le feu se mêle au sang,
Aux larmes des innocents.
Combien d’éclairs, de tirs,
De chairs qui se déchirent,
Et d'espoirs orphelins ?
Quelle part de gloire, enfin,
Pour occire ou s’aimer ?
Pour s'unir ou décimer ?

Se résigner ?

La plaie dans nos mémoires
Dans nos livres d'histoire,
Les corps se portent à bout de bras,
Les drames s’affichent sur caméra.
Ça entache les souvenirs,
Ça empêche de dormir.
On périt et Paris s'écroule.
Ailleurs aussi les mêmes foules
A armes inégales
Tombent sous d’autres balles,
Succombent à d'autres barbaries
Et paient toujours le même prix.

Le même pire qu'ici.

De la buée sur les miroirs,
Sur les écrans, dans les regards.
Le cœur à bout de forces,
La voix se fait féroce.
Ça crie, écrit
Tout un tas de conneries.
Ça résonne, déraisonne.
Faut-il que l'on s'étonne
Des enjeux, des injures,
D’un Dieu contre-nature ?
Les mots sont dans l'émotion,
Des maux sans explication.

Sans concession.

Du rouge sur le trottoir,
Du rouge dans nos mémoires,
Du rouge sur le béton,
Du rouge sur tous les fronts.
Les cris, les chairs, les larmes,
Les corps morts sur le macadam.
Les balles, les armes, les caméras,
Les cris, les écrans, leurs choux gras.
La foule, la houle, l'agitation,
Les injures, les bavures, les passions.
Ce qui nous désunit nous punit, 
Nous trahit, nous détruit.

Nous engloutit.

© Emilie